Comme vous le savez tous, Satoru Iwata, président de la firme Nintendo, nous présente depuis peu quelques séries d’interviews où ils questionnent des employés travaillant pour Nintendo, comme par exemple sur le développement d’un certain jeu. On nomme ces petites sagas de reportages « Iwata Demande ». En ce début d’année 2008, Iwata a questionné son ancien subalterne, Masahiro Sakurai, quand il était, avant d’être président de Nintendo, directeur de Hal Laboratory. Vous pouvez retrouver ici tout le reportage divisé en sept volumes consacré notamment au développement de Super Smash Bros. Brawl. Bonne lecture.
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Introduction
Volume 1 – Volume 2
Volume 3 – Volume 4
Volume 5 – Volume 6
Volume 7
1 – Une musique équivalente à celle de 30 jeux
2 – Des arrangements fabuleux fidèles aux originaux
3 – Seulement dans Smash Bros.
Iwata:
Parlons maintenant de la musique. Les musiques des précédents Smash Bros. étaient déjà impressionnantes, mais avec celle de Smash Bros. Brawl, on change encore de catégorie.
Sakurai:
En aurions-nous fait trop ?
Iwata:
Peut-être un peu. (Rires)
Sakurai:
(Rires)
Iwata:
En fait, le service chargé des contrats et des droits d’auteur a dit que la musique de ce jeu était équivalente à celle de 30 jeux.
Sakurai:
Waouh. Désolés de nous être autant laissés emporter. (Rires)
Iwata:
Naturellement, la bande originale du jeu comprend des morceaux de différents jeux et d’autres plus inattendus. Ces derniers ont un peu compliqué la négociation des droits.
Sakurai:
Je sais que ça a dû être difficile, mais grâce à vos efforts, le jeu sera génial !
Iwata:
Eh bien, j’espère que les joueurs l’apprécieront aussi. Toutefois, peux-tu m’expliquer comment la musique en est venue à prendre une telle ampleur ?
Sakurai:
Je vais essayer. Jusque-là, la bande originale de la série Smash Bros. était élaborée par des musiciens qui reprenaient des musiques d’autres jeux pour les intégrer à Smash Bros. Il était également établi qu’il devait y avoir un morceau par niveau. Cependant, pour Super Smash Bros. Brawl, nous avons décidé d’intégrer plusieurs morceaux par niveau. Ce changement a été motivé par la diversité grandissante de nos fans. Prenons les jeux Mario, par exemple. Certains joueurs connaissent la série depuis Super Mario Bros. sur NES, tandis que d’autres ont commencé à jouer à la sortie de la Super Nintendo. D’autres encore n’ont fait leurs débuts que sur GameCube. Alors nous nous sommes dit que les références musicales étaient différentes d’un joueur à l’autre.
Iwata:
Effectivement, je comprends.
Sakurai:
C’est en gardant cette idée à l’esprit que nous avons préparé plusieurs morceaux pour chaque niveau et que nous avons décidé de proposer au joueur l’option « Mes Musiques », qui leur permet de définir leurs préférences musicales pour chaque niveau. (->Voir illustration)
Iwata:
Un travail très approfondi, comme d’habitude.
Sakurai:
Oui. Et bien sûr, cette démarche impliquait un nombre de morceaux bien supérieur à celui du titre précédent.
Iwata:
Naturellement. Au final, combien de morceaux le jeu comprend-il à peu près ?
Sakurai:
Eh bien… (il chuchote la réponse à Iwata)
Iwata:
(Rires)
Sakurai:
Nous n’avions pas prévu d’en intégrer autant au départ, c’est juste que nous en sommes arrivés là parce que nous voulions faire de notre mieux. Ceci dit, l’idée de préparer plusieurs morceaux pour chaque niveau avait déjà été adoptée. De plus, comme la production de Super Smash Bros. Brawl nécessitait une grande part d’externalisation, les membres de l’équipe n’arrêtaient pas de dire : « Et si untel faisait ce morceau ? ». Ensuite, les arrangeurs choisissaient un morceau parmi une liste de présélections et les fruits de ce travail ont fini dans le jeu.
Iwata:
J’imagine qu’en tant que producteur des concerts Press Start –Symphony of Games- depuis plusieurs années, tu dois connaître de nombreux musiciens de jeux vidéo talentueux.
Sakurai:
C’est vrai que ça m’a aidé. J’ai pu discuter avec mes collègues du spectacle et leur demander de l’aide.
Iwata:
Et quand tu leur as demandé, ils ont tous répondu présents ?
Sakurai:
La plupart, oui.
Iwata:
Le personnel de Nintendo t’a aidé de différentes manières, et vu de l’extérieur, j’ai l’impression que tout le monde y a pris beaucoup de plaisir malgré le travail supplémentaire que cela impliquait. Ils ont sans doute été contents de travailler sur un projet qui sortait de leurs attributions habituelles.
Sakurai:
C’est ce que j’espère. Je crois aussi que l’idée d’arranger des morceaux dont ils étaient fans autrefois était particulièrement séduisante. Personnellement, j’ai été comblé par cette occasion unique de travailler sur des morceaux issus d’une myriade d’univers de jeu différents.
Iwata:
Tu t’en es sans doute déjà rendu compte, mais c’est l’un des avantages de ce travail, n’est-ce pas ?
Sakurai:
Absolument. (Rires) Même les membres de l’équipe de développement ont écouté ces innombrables musiques en faisant leurs propres commentaires sur celles qu’ils préféraient, se posant ainsi plus en joueurs qu’en développeurs.
Iwata:
Les musiques de jeux vidéo ont vraiment une résonance particulière, n’est-ce pas ? Elles nous touchent en réveillant le tendre souvenir de nos premiers pas dans les jeux vidéo dont elles sont extraites.
Sakurai:
Exactement. C’est pourquoi le choix des morceaux doit être extrêmement minutieux.
Iwata:
C’est vrai. Il ne faudrait pas que les joueurs se plaignent de musiques qui ne leur parlent pas.
Sakurai:
Eh bien, je crois que malgré toute l’attention apportée au choix des morceaux, il y aura toujours quelqu’un pour s’en plaindre.
Iwata:
C’est vrai. Et quel que soit le nombre de morceaux sélectionnés.
Sakurai:
Qui plus est, il ne suffit pas de faire un choix parmi les musiques les plus populaires. En nous intéressant uniquement aux plus célèbres, nous passerions à côté d’un grand nombre de succès potentiels. Il faut changer sa manière de penser et chercher des morceaux qui peuvent susciter l’intérêt.
Iwata:
Tu as raison. Les musiques inhabituelles marquent souvent les esprits.
Sakurai:
C’est la raison pour laquelle nous avons passé autant de temps à recueillir les réactions. Avant le démarrage effectif du développement, nous avons organisé des enquêtes sur le site mobile de Nintendo au Japon et nous avons lu des messages sur la première version du site web du jeu, Smash Bros. Dojo.
Iwata:
Combien de réponses avez-vous reçu ?
Sakurai:
Eh bien, les questions portaient également sur d’autres sujets que la musique, mais au total, nous avons obtenu près de 40 000 réponses.
Iwata:
40 000 !? Et vous les avez toutes lues ?
Sakurai:
Bien sûr. Les réponses aux questions sur la musique nous ont réservé de grandes surprises quant aux morceaux les plus populaires parmi nos joueurs. J’ai été sidéré de voir qu’ils se souvenaient très bien des noms des morceaux. Certes, tous les morceaux portent des titres, mais ils ne sont pas mentionnés dans les jeux.
Iwata:
Oui, c’est rarement le cas. Ce qui veut dire qu’ils ont recherché les titres des morceaux.
Sakurai:
Exactement. Un nombre étonnant de joueurs ne se contente pas d’écouter la musique pendant le jeu, mais achète aussi les compilations sur CD. Voilà pourquoi nous ne pouvions pas nous permettre de passer rapidement sur les arrangements.
Sakurai:
Composer un arrangement conduit forcément à modifier l’original, alors nous avons pris soin de discuter avec les musiciens d’abord pour déterminer ce qui pouvait être changé ou non. Bien qu’il soit très difficile de composer un arrangement de qualité qui conserve la mélodie originale.
Iwata:
En d’autres mots, vous avez clairement distingué les passages qui pouvaient être changés en toute liberté de ceux qui ne devaient pas bouger.
Sakurai:
C’est ça. Et c’est d’autant plus difficile que les parties intéressantes ne sont pas les mêmes dans tous les morceaux.
Iwata:
Et tu as probablement dû avoir quelques surprises malgré les instructions que vous aviez données.
Sakurai:
Bien entendu.
Iwata:
Certains morceaux t’ont-ils laissé sans voix ? Sans trop en dire avant que les joueurs n’aient eu l’occasion de les découvrir eux-mêmes, peux-tu nous parler des surprises que tu as eues ?
Sakurai:
Bien sûr. « Cooking Navigator » était assez intéressant.
Iwata:
Cooking Navigator. (Du jeu japonais sur DS It Talks! Cooking Navigator)
Sakurai:
Oui. Le jeu qui propose des recettes de cuisine et des instructions par l’intermédiaire d’une voix générée par synthèse vocale. « Attendrissez la viande », par exemple. Si tu écoutes le morceau qu’ils ont fait pour nous, les premières paroles sont « Let’s Have a Brawl ».
Iwata:
(Rires)
Sakurai:
Cela dit, seul le compositeur original pouvait réussir ce genre de facétie et je suis ravi qu’il se soit donné du mal en travaillant avec les données originales du jeu pour arranger ce morceau.
Iwata:
En fait, le musicien en question est venu me voir en personne pour me parler du morceau qu’il avait proposé.
Sakurai:
Vraiment ? (Rires) Dans nos bureaux, tout le monde a aussi trouvé ça très drôle.
Iwata:
Y a-t-il des morceaux qui t’ont poussé à te demander si tu n’étais pas allé trop loin ?
Sakurai:
Eh bien, il y a des morceaux que je n’aurais pas choisis pour un jeu classique. « X » en fait partie.
Iwata:
« X », tu dis ? L’un des premiers titres japonais sur Game Boy ? (sorti au Japon en 1992). Le monde est petit ! (Rires)
Sakurai:
X. Comme le titre du jeu.
Iwata:
Tu veux dire qu’il s’agit du X du titre japonais Super Smash Bros. X ? Vraiment ? (Le titre japonais de Super Smash Bros. Brawl est Super Smash Bros. X)
Sakurai:
Je plaisante. (Rires) En fait, j’aime beaucoup la musique de la scène du tunnel dans X. On peut même dire que c’est avec ce morceau que Totaka-san a fait ses débuts. Il est devenu célèbre en servant de modèle au personnage de Kéké dans Animal Crossing.
Iwata:
Vraiment ? C’est Totaka-san qui a écrit ce morceau de « X » ?
Sakurai:
Je ne le savais pas non plus, mais il semblerait, oui. Le morceau est très court et ne compte que quelques phrases, mais il est vraiment bon. Je me serais parfaitement contenté de l’utiliser tel quel, mais il a fait un arrangement qui sonne très bien.
Iwata:
J’imagine que toutes les musiques valent la peine d’être écoutées.
Sakurai:
J’espère bien !
Iwata:
Hormis ceux qui ont juste retravaillé les morceaux ou collaboré de diverses manières, combien de personnes ont véritablement composé des morceaux pour Super Smash Bros. Brawl ?
Sakurai:
Plus de 30, je crois.
Iwata:
Waouh ! C’est un record imbattable.
Sakurai:
Ah ça oui. (Rires) Ce n’est possible que dans Smash Bros.
14 septembre 2014
19 décembre 2012
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